Pouvez-vous vraiment vous adapter à toutes les sensibilités, religieuses ou non ?
Oui, au vu de la diversité des publics pour lesquels j’ai pu adapter mon discours sur la foi et mes manières de méditer. Il s’agira toujours pour moi d’accompagner un développement personnel, et pas de faire changer des convictions. À moi de me laisser inviter dans votre univers ! Des personnes méfiantes à l’égard des religions instituées par exemple, par leur curiosité et leur exigence intellectuelle, tirent souvent profit à se frotter aux motifs chrétiens et aux histoires bibliques, rendus à leur suggestivité ouverte. D’autres plus portées sur des spiritualités ésotériques pourront trouver des convergences fécondes entre les symboles et philosophies de nos cultures spirituelles respectives. Des chrétiens soucieux de fidélité au dogme et à la tradition pourront s’émerveiller avec moi de la jeunesse intacte du credo que nous partageons, en revenant aux textes pour laisser la Parole vivante s’adresser à elles aujourd’hui. J’accueillerai enfin toujours avec joie des personnes d’autres religions avec leurs textes et pratiques, convaincu que ceux-ci permettent une communication aussi authentique que la mienne avec Dieu. Les maîtres du dialogue interreligieux disent depuis longtemps que l’on se rejoint dans l’expérience spirituelle plus que dans l’échange d’idées…
Ne risquez-vous pas, du coup, de tomber dans un syncrétisme qui affadit les particularités?
Il y a bien sûr des différences réelles entre certaines croyances. Mais cela n’empêche pas pour autant de les mettre en dialogue ! Au contraire, cela force chacun.e à se les réapproprier, à vérifier le sens qu’elles ont pour lui ou elle, et dans le concret de sa vie. Nous parlons de toutes façons de choses qui nous dépassent, et si par exemple je ne crois pas personnellement à la réincarnation mais à la résurrection, je n’en pense pas moins que les images associées à chacune de ces conceptions de la vie après la mort ont surtout des incidences complémentaires sur notre façon de mieux vivre aujourd’hui…
Je suis chrétien.ne pratiquant, à la recherche d’un accompagnement spirituel « classique » : votre proposition m’est-elle vraiment destinée à moi aussi ?
Ma pratique d’origine est celle de l’accompagnement ignatien tel qu’il est offert par bien des prêtres, religieux/ses et laïcs, dans le quotidien comme dans les retraites ignatiennes. Je suis donc toujours heureux de le pratiquer ! La méditation guidée n’est proposée que si vous vous y sentez disposé.e, et bien des choses peuvent déjà se passer simplement dans la parole échangée en confiance, ou en lisant et commentant ensemble les textes, bibliques ou non, même si la méditation permet souvent de mieux les accueillir avec le cœur et non seulement l’esprit, pour les laisser agir sur nos ressentis et nos comportements.
Quelles différences y a-t-il entre du coaching, une psychothérapie, et cette forme d’accompagnement ?
Mon accompagnement peut ressembler extérieurement à chacune de ces approches et en tirer certaines inspirations, mais aussi à la sophrologie, à la méthode Vittoz (par le sérieux accordé aux liens entre corps, émotions et psychisme), ou à l’hypnose (par l’interaction avec nos images mentales).
Cependant, à la différence d’une thérapie, l’accompagnement spirituel ne recherche pas tant des causes ou des solutions aux problèmes, qu’à accueillir et construire le sens de ce que l’on vit pour agir à partir de là, en abordant des questions parfois moins familières à la psychologie : dignité, vocation, pardon, transcendance, salut, vie après la mort… Par rapport au coaching, il visera moins un objectif prédéfini et mesurable, mais valorisera la dimension plus « gratuite » de la vie conçue comme un art, un don, une joie à part entière, et se laissera souvent surprendre par ce qui peut apparaître petit-à-petit comme réellement actuel pour chacun.e, dans une écoute de soi (et/ou de Dieu) ouverte à tous les possibles.
Et si je suis croyant, mais allergique aux églises, ou blessé par elles ou par certaines formulation de la foi ?
Nous pourrons simplement ne pas aller sur ce terrain. Jésus a loué et soutenu la foi de nombreuses personnes qui ne partageaient pas sa religion, et Dieu tel que le conçoivent les chrétiens cherche à établir une relation singulière avec chacun.e, parfois à travers les institutions, mais souvent bien au-delà. Mais nous pourrons aussi en parler avec précaution et respect. C’est parfois un bon chemin que de nommer ce qui « coince », que ce soit pour être accueilli dans un ras-le-bol ou une déception légitimes, ou pour respecter un désir de spiritualité inassouvi, et chercher ensemble où il pourra mieux se déployer. Je n’essaierai jamais de convaincre quelqu’un du bienfondé d’un dogme, ou de l’attitude de certains croyants ; je peux juste l’aider s’il/elle le souhaite à les considérer autrement, en revenant toujours à une écoute nouvelle de soi, des textes, et/ou de Dieu plus grand que toute définition théorique.
Et si les textes bibliques ne me rejoignent pas ?
Mes ressources à méditer sont très larges et comprennent aussi poésie, philosophie, spiritualités non-chrétiennes, littérature, peinture… Sans parler des méditations sans texte, notre quotidien avec ses mouvements intérieurs étant toujours le premier lieu où la vie nous parle. Je les propose à partir d’une écoute profonde des besoins et de la disponibilité de chacun.e. Je suis toujours ouvert à la découverte de textes et d’images nouveaux, que je recherche pour vous ou que vous pouvez amener, convaincu que tout support peut permettre par rebond un accès profond à soi-même ou à la transcendance.
Parfois, s’exposer aux textes bibliques, à leur aspect énigmatique ou dérangeant, qu’on se dise croyant ou non, peut aussi nous faire quitter la stérilité de l’ « évidence ». Quitte à mieux définir et affirmer ses divergences, par le jeu d’une opposition constructive.
Et si j’ai de la peine à nommer ce qui me préoccupe ? Ou des difficultés à me concentrer pour méditer ?
L’accompagnement ne cherche pas quelque chose d’exceptionnel qui en vaudrait la peine, il considère plutôt ce qui est déjà là, dans les événements quotidiens, dans le langage des émotions et l’immédiateté de la pensée, pour tirer des fils et percevoir peu à peu ce qu’il y a « derrière ». Mon écoute et mes questions visent justement à vous permettre d’accéder à vos questionnement et besoins essentiels présents. De la même manière, personne n’est « inapte » à la méditation, si on ne la considère pas comme une performance visant un contrôle ou un calme absolu, mais comme une démarche, intéressante dès son commencement, dans laquelle les distractions, l’agitation ou la confusion sont moins des obstacles que des leviers pour saisir ce qui se joue présentement, et aller plus loin… l’essentiel étant de devenir toujours plus activement « passif » devant ce qui se donne naturellement, dans une sincérité, un lâcher-prise, une confiance qui s’exercent, pour vous permettre de vous accueillir peu à peu vous-même dans votre vérité, et votre rapport singulier à Dieu ou à la Vie.
Quelle est la différence entre méditation et prière ?
Toute méditation peut déboucher sur l’expression d’une prière, et toute prière sera plus authentique et consciente si elle éclôt d’une mise en disposition méditative. S’il s’agit de les différencier, la prière conçoit en principe la présence divine pour s’adresser à elle, et devenir plus attentive à ce qu’elle sent venir d’elle. Elle est l’écoute d’un désir profond, et l’audace de l’exprimer ; la recherche d’un amour plus vaste et d’un émerveillement, d’une gratitude qui pacifient et libèrent. La méditation quant à elle est un exercice d’attention bienfaisant au langage du corps, des émotions et des souvenirs, à un texte ou à un autre support, dont la perception subjective peut être considérée comme reçue de Dieu. Méditation et prière sont donc souvent compris l’un dans l’autre, et gagnent selon moi à être vécues comme un seul acte.
Peut-on prier sans croire en Dieu ?
Je crois, oui ! On peut parler à Dieu (certain.e.s diront « la Vie », ou « l’Univers ») sans être sûr.e d’y croire : pour essayer, pour s’adresser à un.e « inconnu.e », peut-être comme une manière même de le chercher. On peut « prier » sans forcément personnifier un interlocuteur, comme une manière de formuler un souhait, une plainte, un désir de mieux aimer ou se laisser aimer… En cela, la prière, tout en ayant la gratuité d’une relation amicale, est aussi d’emblée « efficace », puisqu’elle fait prendre conscience des possibilités plus larges qu’offre le monde autour de soi, sortir de la solitude et de l’illusion anxiogène de devoir tout porter soi-même. Quand la prière est d’abord écoute méditative de ce qui se dit pour nous à travers un texte ou nos images mentales, la question de croire est moins décisive, puisqu’il y a toujours forcément un/des autre/s qui nous parlent et nous décentrent, derrière le texte, l’image, les événements vers lesquels nous tournons notre attention.
C’est « pas très catholique » ces séances, non ?
J’espère que si ! Pas dans le sens où je m’adresserais plus à des croyants, mais parce que la mission chrétienne est d’aller « vers toute les nations » partager la « bonne nouvelle », et qu’on en témoigne souvent mieux en actes qu’en paroles (comme le dit le pape François) : par exemple en donnant la possibilité à des personnes en recherche de soigner elles aussi leur spiritualité, et de profiter des ressources chrétiennes avec la distance qui leur appartient. La tradition biblique et chrétienne ne sont pas la propriété privée des croyants ! Même s’il s’agissait d’aider de nouvelles personnes à chercher la foi, je suis convaincu que l’intériorité et un regard nouveau sur notre propre vie sont des chemins qui marquent plus le cœur, qu’un catéchisme tissé de notions théoriques. Jésus parlait plus de l’ici-bas que de l’au-delà, plus du Royaume de Dieu sur terre que de la réalité « surnaturelle » de Dieu, il admirait souvent la foi des « païens » et des marginaux plus que celle de ses coreligionnaires. Cela ne m’empêchera jamais d’orienter toute personne qui cherche à se rapprocher d’un prêtre, d’un.e religieux/se, d’une communauté d’église ajustée à sa sensibilité.